Au Sahel la combinaison de plusieurs facteurs de nature structurelle et conjoncturelle, naturelle ou anthropique affectent durement les moyens d’existence et mettent en danger des millions de personnes parmi les plus vulnérables. Ceci est la conséquence des effets combinés d’une insécurité alimentaire déjà fortement dégradée et d’une crise sécuritaire persistante à laquelle se superposent les impacts socio-économiques des mesures de santé publique contre la pandémie de la Covid-19. En dépit de bonnes perspectives de productions agricoles certaines années, la collusion des crises sécuritaires et sanitaires contribue à fragiliser les moyens d’existence des ménages et leur sécurité alimentaire, notamment ceux vivant dans les zones de conflits.
L’insécurité alimentaires dans le Sahel développe dans un contexte conjuguant d’une part les fragilités intrinsèques et la pauvreté endémique d’une frange de la population, d’autre part les risques induits par l’aggravation importante des risques climatiques, les évolutions sociopolitiques, et enfin les mutations profondes liées à la croissance démographique, la fragilisation des milieux naturels, l’ouverture et la globalisation des économies. Ainsi donc, les chocs, plus complexes et multiformes que par le passé, dégradent les régimes alimentaires, provoquent la malnutrition et parfois la famine. Actuellement aucun pays du Sahel ne peut être totalement considéré à l’abri de crises alimentaires quels que soient les efforts de prévention déployés.
En plus, de ces risques et chocs la crise sanitaire de 2020 a, notamment, fragilisé la situation socio-économique des ménages, les systèmes alimentaires et les capacités des Etats à fournir les services nutritionnels essentiels. En outre, au Centre-Sahel et dans le Bassin du Lac Tchad, les déplacements massifs de populations et la limitation de l’accès aux services sociaux, engendrée par l’insécurité civile, constituent des facteurs aggravants de la malnutrition affectant de milliers de femmes et d’enfants dans un contexte où les acteurs humanitaires éprouvent de plus en plus de difficultés pour accéder aux populations vulnérables. Les analyses de la sécurité alimentaire et nutritionnelle avec l’outil Cadre Harmonisé révèlent que pour la période d’octobre à décembre 2020, près de 16,7 millions de personnes étaient en situation de crise alimentaire à pire (Phase 3 à 4 du CH). Si les réponses appropriées ne sont pas apportées à temps, le nombre total de personnes en insécurité alimentaire et nutritionnelle pourrait atteindre au cours de la prochaine période de soudure (juin-août 2021) 23,6 millions de personnes y compris les personnes déplacées internes et les réfugiées. Cela traduit une détérioration inquiétante de la situation alimentaire jamais observée au cours de ces dix dernières années dans la région. L’escalade sans précédent des besoins humanitaires dans la région du Sahel illustre la situation alarmante à laquelle l’ensemble de la région est confronté.
Face à la diversité des risques et menaces mondiaux la « résilience » acquiert une importance croissante en lien avec la place qu’occupent les questions de changement climatique, de la croissance rapide des populations, de l’insécurité civile, des épidémies, de l’urbanisation et de la baisse de la disponibilité des ou de l’accessibilité aux ressources dans les investissements nationaux et internationaux ou encore les perturbations des marchés pour le développement durable. Malgré une diversité et une intensité des investissements, le niveau de fragilité des populations sahéliennes restent préoccupantes. Ce d’autant plus qu’aux facteurs climatiques et activités anthropiques sensu stricto, s’ajoutent d’autres manifestations d’insécurité telles que celles civile, épidémiologies, phytopathologiques et de zoonoses qui exacerbent cette insécurité alimentaire et nutritionnelle. On s’interroge alors sur les capacités du pays du CILSS à réaliser l’engagement pris à l’échelle internationale d’éradiquer d’ici à 2030 l’extrême pauvreté, d’éradiquer la famine. Surtout que plus de la moitié des pauvres du monde se retrouvent en Afrique selon Le Monde Afrique, essentiellement dans l’espace Sahel. Bien qu’on puisse constater une baisse des taux de malnutrition aigüe globale, de la Malnutrition Chronique et de l’insuffisance pondérale entre 2009 et 2016, ces paramètres de mesure de la fragilité restent critiques et leurs effets persistent jusque-là.
Direction de la Nutrition/MS, Burkina Faso, mars 2017